La récente menace de l’agence de notation Moody’s de dégrader la note de la dette souveraine des États-Unis, de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, moyen de redonner un coup d’accélérateur à la reconfiguration mondiale de l’économie ? Explications.
Dans son rapport, publié le 18 août dernier, Moody’s ne se fonde pas uniquement sur l’ampleur de l’endettement accumulé, mais sur la capacité des États à payer la charge de la dette en cas de chocs : panne de croissance, moindres rentrées fiscales ou remontée spectaculaire des taux d’intérêts. C’est donc la marge de manœuvre des États-Unis et de l’Europe pour assumer le seul paiement des intérêts sur leurs emprunts qui se retrouve dans le collimateur. Le remède préconisé par l’agence passe par la mise en place de programmes crédibles de redressement des finances publiques à moyen terme.
Par un hasard pour le moins surprenant, ce même 18 août, Nicolas Sarkozy convoquait au Fort de Brégançon François Fillon, Christine Lagarde et François Baroin pour une réunion consacrée à la croissance et aux déficits publics. La menace de la dégradation de la note de la dette de la France ne manquera pas de constituer un argument majeur pour la mise en place du plan de bataille de la réforme des retraites. Mais ce n’est là que le premier volet de toute une série de mesures d’austérité qui vont devoir – et c’est le sens de la mise en garde de Moody’s – être simultanément appliquées à l’ensemble des pays européens.
Un “gouvernement économique” des plus flous…
C’est ce que prépare Hermann van Rompuy, le président du Conseil européen, avec son groupe de travail (“task force”) sur le “renforcement de la gouvernance économique et de la discipline budgétaire au sein de l’Union”, qui rendra son rapport pour la fin du mois d’octobre prochain. Même si le flou demeure actuellement sur la notion de “gouvernement économique”, et des modifications nécessaire qui seront faites aux traités actuels pour lui donner une existence juridique, on peut déjà entrevoir les mesures qui seront imposées, non plus aux seuls pays de la zone euro, mais à l’ensemble des pays membres de l’Union.
À brève échéance, il faudra éliminer toute disparité entre pays membres. Par exemple, la sécurité sociale à la française n’est pas compatible avec le régime des assurances maladies privées de l’Allemagne. Bien sûr, cette intégration des économies se fera par le bas, puisqu’il convient d’améliorer la “compétitivité” et non la justice sociale. Comme l’indiquait Christine Lagarde il y a quelques semaines, alors qu’elle rencontrait son homologue allemand : « La cure passe par des procédures budgétaires croisées, des sanctions accrues et autres gages de coordination et de rigueur budgétaire ».
C’est en fait l’ensemble des mesures qui ont été imposées à la Grèce ces dernières semaines (abandon des régimes sociaux, augmentations des taxes et impôts, réduction des salaires, allongement de la durée du travail, etc.) qui doivent maintenant être élargies à l’ensemble des pays de l’Union. Les pays qui n’arriveront pas, à moyen terme, à ramener leur dette a moins de 60 % du PIB seront amendés par Bruxelles (sanction financière), et leurs droits de vote seront suspendus (sanction non financière).
En guise de conclusion – tout à fait provisoire – nous vous livrons ici quelques mots que nous adressait Pierre Hillard, essayiste et docteur en sciences politiques, dans un récent courrier. L’occasion d’exprimer assez précisément un sentiment qui pourrait bien devenir notre triste réalité d’ici quelques semaines :“Humainement, nos ennemis ont gagné la partie. Nous allons être fixés sur notre sort très rapidement. En fait, déjà d’ici la fin de l’année.”
Clovis CASADUE, pour la revue
Publié sur Mecanopolis, avec l’aimable autorisation de Jean-Emile Néaumet, directeur de la rédaction.